lundi 7 mars 2016

brasserie sur marais



Les Bruxellois le savent, les Brasseries Wielemans Ceuppens nous ont laissé quelques fleurons architecturaux à Forest, dont le plus connu est le bâtiment d'architecture moderniste, oeuvre de l'architecte A. Blomme, devenu le Wiels, centre d'art contemporain. 

Le Wiels a inauguré récemment sa terrasse qui sera ouverte au public le 19 et 20 mars prochain. Le panorama que l'on y découvre est l'occasion de mettre le point sur certains projets urbanistiques qui seraient susceptibles de modifier considérablement l'aspect du quartier Wiels.





Il faut dire que le quartier est particulièrement vivant et diversifié : jouxtant les lignes de chemin de fer - le panorama séduirait tout ferrovipathe (c'est à dire un fana des chemins de fer) - on y découvre une zone industrielle et populaire en voie de gentrification accélérée. Le dynamisme social est important : on ne compte plus les initiatives citoyennes et culturelles visant à faire du quartier un exemple de développement durable, malgré les difficultés que posent la reconversion d'une zone industrielle. 

De la terrasse, on découvre immédiatement, sur les terrains entourant le Brass, un jardin collectif et un potager géré par les habitants. On y voit des ruches et au delà un curieux plan d'eau noyant des fondations dont on distingue, effleurant l'eau, les colonnes de béton. Il y a quelques années des travaux de terrassement ont accidentellement pénétré la nappe phréatique, provoquant l'inondation progressive de tout le chantier. Au cours des années, l'environnement est redevenu ce qu'il était à l'origine : un marécage. En effet, ces terrains marécageux avaient été jadis achetés par les brasseurs du Wiels qui y trouvaient dans ces eaux les propriétés propices à la fermentation de la célèbre bière bruxelloise dans laquelle la Dekkera bruxellensis - une levure - joue un rôle de premier plan.

installation de Edith Dekyndt, exposée au Wiels

Ce marais du Wiels est progressivement devenu un pôle d'attraction, créant un paysage étrange qui met curieusement en valeur les vestiges (classés) du "Métropole", vieil hôtel appartenant à la famille Wielemans Ceuppens. Une roselière s'est développée, le plan d'eau abrite plusieurs espèces d'oiseaux aquatiques, dont le Grèbe castagneux, la présence de nombreuses espèces de libellules est un indice de la qualité de l'eau et de la biodiversité qui s'y est installée. La présence de nombreux insectes favorise le maintien, près du pont de Luttre, d'une des rares colonies bruxelloises d'hirondelles... ce marais recueille aussi les eaux de pluie, limitant le risque très réel d'inondation dans le quartier. 

Cet espace exceptionnel, dont les abords immédiats sont restés un peu à l'abandon, est actuellement cloturé. Une société immobilière très active dans la commune possède le terrain et projette d'y construire du logement, 8 à 9 tours de 8 ou 9 étages, en récupérant l'ancien "Métropole" (qui serait réhabilité comme lieu de commerce ou horeca) mais en enclavant le quartier dans un complexe d'habitation. Au programme, l'assèchement du marais, le bétonnage du sol en vue de la construction d'un parking souterrain de quelque 200 places. 



Les habitants du quartier Wiels s'inquiètent, même si la construction de logement peut-être une entreprise intéressante sur le plan architectural... la disparition du marais pose le problème de la gestion des eaux de ruissellement et de la nappe phréatique... on craint des infiltrations dans les caves des maisons voisines du quartier Orban ou de la rue du pont de Luttre, qui subissent des inondations régulières. D'autre part, le quartier sera enclavé, alors qu'il était possible et souhaitable d'y ménager des connexions entre le quartier Orban et le quartier "Diversity", au-delà du chemin de fer. L'enclavement de zones urbaines, par des projets d'habitations séparées de l'espace public, n'est pas sans conséquences sociologiques : gentrification, ségrégation sociale, clôture des espaces verts... de quoi mobiliser les habitants d'un quartier "en transition" vers un modèle de développement urbain écologique et "durable".

le pont de Luttre








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