jeudi 16 avril 2015

in the street... dans la rue


Qu'est qu'une (bonne) photo de rue ? la "street photography" suscite un réel engouement et doit être considéré comme un genre spécifique dont il faudrait préciser les modalités. Classiquement, la "street photography" est une prise de vue de l'espace public - la rue, mais aussi tout autre espace public - centrée sur la présence humaine. Elle se distingue donc du paysage ou de la photo architecturale. Dans ses formes, elle peut se rapprocher du reportage, mais à l'inverse de celui-ci, la photo de rue ne prétend pas relater un événement dont l'intérêt résulte de son caractère exceptionnel. Ce qui caractérise le street photographer est l'attention portée au quotidien, au banal ou à la normalité ou, à ce qu'on pourrait qualifier de micro-événements tels des rencontres aléatoires, contrastes ou paradoxes, que seuls l'instantané peut figer pour l'éternité.
 

Ici la rencontre entre deux solitudes est soulignée par la construction architecturale des ombres... la rue est un théâtre quotidien de subjectivités isolées, de communications impossibles et d'errances vides au sein d'un espace à la fois désertifié et submergé du brouhaha des sollicitations publicitaires...

Quel sens donner à la street photo ? celui d'une sociologie de la vie quotidienne... mais elle ne se limite pas à la description neutre d'une réalité objective. Elle est souvent une recherche purement esthétique de coïncidences significatives : la street photo relèverait dès lors d'un formalisme séduisant, certes, mais quelque peu creux, trouvant son intérêt dans la composition et du jeu des ombres et lumières. Ce qui est souvent exigé d'une photographie est sa dimension narrative : elle devrait suggérer un situation, une histoire, qui se situe en deçà ou au delà l'instant de la prise de vue, l'interprétation subjective restant par ailleurs totalement libre. La photo de rue ne dit rien sur les personnes photographiées - contrairement au reportage qui exige une contextualisation explicite de la scène -  ce sont des passants anonymes figés dont ne peut déduire que ce qui est explicitement montré...  


Dans une certaine mesure, la photo de rue est un défi éthique, elle interroge la frontière entre le privé et le public en déconstruisant ce "droit à l'image" dont on fait grand cas. Théoriquement, la publication d'une personne reconnaissable devrait être soumise à autorisation, dans la pratique, cette exigence est impraticable et la jurisprudence reconnaît de plus en plus le droit à l'expression artistique du photographe de rue... a la personne photographiée de démontrer l'éventuel dommage résultant d'une publication artistique de son image. Rappelons que, du fait de la prolifération des caméras de surveillance, un passant ordinaire est photographié (ou filmé) plusieurs dizaines de fois par jour... dès lors peut-on encore se prévaloir d'un droit à l'image ?

Un autre aspect de la street est l'élaboration d'une sociologie visuelle du quotidien : comment les gens interagissent et occupent l'espace public ? Que peut-on dire du contexte social, culturel et économique d'un lieu photographié ? ... de quoi témoigne, par exemple, cette cabine téléphonique - une des rares encore existantes - dans une avenue réputée de Bruxelles ? au spectateur/lecteur d'en juger.









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