lundi 30 mai 2016

Manif, une de plus !




Les manifestations syndicales, contre la politique d'austérité et les réformes du code du travail, sont en Belgique bien ritualisées : un parcours balisé s'étendant de la gare du Nord à la gare du Midi, évitant le centre, empruntant des boulevards périphériques et désertes pour aboutir sur les vastes esplanades proches de la gare du Midi. Les manifestants vêtus de rouge, de vert ou de bleu selon la couleur syndicale, défilent en scandant quelques slogans, jetant quelques pétards et chantant, parfois, l'internationale. Ils rencontrent au passage les stands des formations politiques qui se situent à gauche de la gauche. En fin de parcours, une nouvelle routine s'installe, celle de la confrontation entre des rebelles (qualifiés de "casseurs") peu ou prou politisés, et les forces de l'ordre. Incidents que les services d'ordre syndicaux ne contrôlent du mieux qu'ils peuvent.
Ce rituel fut respecté lors de la démonstration syndicale du 24 mai 2016, près de 70.000 manifestants défilèrent ont ne peut plus pacifiquement, hormis, en fin de parcours, quelques encapuchonnés adeptes du street-fight. Le zèle d'un policier, commissaire de son état, friand d'arrestations musclées et de gazage au lacrymo, entraîna une riposte tout aussi musclée d'un syndicaliste quelque peu émoustillé par l'ambiance. Le commissaire assommé se retrouve sans trop de mal pour quelques jours à l'hôpital, tandis le manifestant répondra de son geste devant le tribunal correctionnel, non sans avoir été désavoué - au mépris de tout solidarité de classe - par son syndicat. L'événement fut monté en épingle par les journalistes, mais en fait, la manifestation qui se termina sans trop de heurts d'une manière adroitement contrôlée par les forces de l'ordre, fut dans l'ensemble plus calme que les précédentes. Je vous épargne les classiques photographies de foules et de calicots. L'imagerie militante de ces démonstrations se répète au point d'être lassante, mais ces rassemblements sont l'occasion de portraits intéressants.



 
 






samedi 28 mai 2016

la parade des Zinneke

"Zinneke" est le diminutif, en bruxellois, du mot "Zinne", en français, Senne, la petite rivière qui traversait autrefois Bruxelles... déversoir de tous les déchets, domestiques et industriels, un égoût à ciel ouvert que l'on s'empressa de voûter et d'enterrer par souci d'hygiène publique. Les rats y proliféraient, de sorte que les Bruxellois adoptèrent en masse des chats. Bien nourris, les chats proliférèrent et les chatons en surnombre étaient souvent jetés dans la Senne, ces petits bâtards de chat furent appelé "Zinneke". Cette désignation s'étendit aux chiens, pas tous, seulement les sans-race, les chiens de rue, les bâtards. Un Zinneke est donc un bâtard.

En fait, la bâtardise, ce mélange incontrôlé des origines, est qui est le plus spécifique à Bruxelles, à la fois flamande, donc germanique et latine, terre de rencontre de toutes les cultures, zone historiquement multi-occupée, multipliant en millefeuille les strates et les traces des diverses cultures qui imprégnèrent notre capitale. C'est pourquoi le peuple bruxellois est rétif à toute normalisation, et vit la multiculturalité - la juxtaposition tranquille et conviviale des identités migrantes - comme la condition normale de la vie urbaine. Ce mélange est vécu aujourd'hui comme un facteur de créativité culturelle dont témoigne la célèbre "Zinneke parade". Cet événement est "l’expression d’une volonté d’organiser une grande fête dans la ville, qui jetterait des ponts entre les 18 communes et le centre-ville et qui mobiliserait toutes les associations socio-culturelles." L’idée est d'affirmer la richesse multiculturelle des quartiers et de franchir les barrières de la fragmentation de la Région. L'événement a lieu tous les deux ans, des ateliers populaires et multidisciplinaires, appelée "Zinnodes" élaborent une performance artistique (char, chorégraphie, musique, chant, théâtre de rue) sur un thème commun. Cette année 2016, le thème choisi était "la fragilité".

Quelques images : 















dimanche 8 mai 2016

Echasseurs de Namur

La tradition se perpétue depuis plus de cinq siècles, déjà en 1511 des joutes d'échassiers se déroulaient à Namur au point que le comte d'alors cru bon d'interdire aux adultes l'usage des échasses. Ces échasses étaient pourtant bien utiles pour déambuler lors des inondations, fréquentes paraît-il. L'interdiction n'empêcha point la rivalité de quartier des échassiers et en 1438, Philippe le bon, duc de Bourgogne, se vit présenter un combat d’échasses en son honneur lors de sa visite à Namur et dès le 16e siècle, trois brigades d'échasseurs (comme on le dit localement) s'opposaient : celle des Mélans, issus de la vieille ville, celle de la Neuveville (plus tard appelée "Avresses") et celle des Piedeschaux. Aujourd'hui seuls les Mélans et les Avresses s'opposent, on les distinguent par la couleur de leurs échasses, jaune et noir pour les uns, rouge et blanc pour les autres. L'habit traditionnel, le même pour les deux équipes, est rouge et blanc.


Bien qu'on l'abandonna quelque peu au 19e Siècle, à la suite d'une mémorable joute devant la famille royale au cours de laquelle les échasseurs un peu trop pompettes s'étaient entremêlés les échasses...... la tradition reprit au 20e siècle et les Echasseurs namurois acquièrent une renommée internationale au point qu'on espère les voir inscrits par l'Unesco au patrimoine immatériel de l'humanité. 






 Echasseurs de Namur, lors des festivités de Namur en mai, 2016










lundi 2 mai 2016

premier mai en zizique

Si pour certains, le premier mai est une "journée de lutte" qui se paye par une répression drastique, pour d'autres, et notamment pour la FGTB, le premier mai se décline sur le mode du rassemblement festif... non pas que le programme social soit particulièrement serein. La Belgique prolétarienne fait les frais d'une politique désastreuse dictée par les desiderata de la Fédération des Entreprises de Belgique ( le syndicat patronal, l'équivalent du MEDEF français ). Les syndicats nous promettent, pour fin juin, à la veille des vacances, une hypothétique grève générale, prélude à des actions automnales... A la place Rouppe, lieu de convergence des syndicalistes socialistes et des gastronomes (puisque là se trouve le célébrissime "Comme chez soi") , on chantait et dansait plutôt que scandait, dans un entre-soi rassurant puisque étaient exclus tout stands et échoppes des assocs non officiellement affidées au syndicat socialiste. Mais la musique était bonne, et l'ambiance agréable sous ce beau soleil de mai, la bière aidant, on oubliait quelque peu la rigueur des temps présents. Images en mode "street", sans drapeau rouge.













samedi 16 avril 2016

MIMA - musée iconoclaste du 21e S

Enfin une nouvelle réjouissante. Les amateurs d'art contemporain pourront désormais visiter le Millenium Iconoclast Museum of Art dont l'inauguration a eu lieu ce vendredi 15 avril... Situé au bord du canal, sur la rive molenbeekoise, à proximité immédiate des anciennes brasseries Bellevue et de l'hôtel Meininger, ce musée offre à ses visiteurs une collection très rafraichissante d'oeuvres inspirées par la culture pop et le street art.


C'est précisément cet art populaire construit sur des interventions publiques "sauvages", du graph au street art le plus élaboré, qui est mis en valeur à travers l'exposition City Light consacré à cinq street artistes américains basés à Brooklyn. 











SWOON a choisi d'hanter les caves du lieu de ses collages soigneusement élaborés, aux thématiques issues de l'iconographie orientale ou des gravures d'art du 19e S : dentelles en rosaces, silhouettes entomomorphes, et figures semi-divines ou prophétiques, parfois issues de l'iconographie indonésienne, ou des gravures romanesques du 19e S surgissent dans la pénombre, au détour des piliers et des couloirs. Nous avons ici un bel exemple de valorisation muséale du street-art, par une installation qui en respecte l'esprit, mais dans le contexte institutionnel de reconnaissance public d'un art "sauvage" et transgressif par vocation.






FAILE, l’association artistique de Patrick McNeil et Patrick Miller, à choisi d'élever ironiquement un temple à la culture consumériste des hipsters brooklyniens. Un look "vintage" et une iconographie issue des pulps et des fanzines, ou des publicités que l'on retrouve à foison dans les galeries et restaurants branchés de Brooklyn. L'architecture de l'installation, hormis les pochoirs exposés sur le mur, rappelle celle d'un temple shintoiste qui serait dédiée à la vénération d'une colonne publicitaire - moulin à prière de la société de consommation - annonçant le pire et le meilleur du divertissement culturel.



Dans une salle illuminée par le vitrage cyan, jaune, magenta, on découvre l'installation et la fresque géométrique de Maya Hayuk. Un ode à la couleur, une expérience visuelle et picturale hors du commun. On sort vivifié par cette séance de chromothérapie.








MOMO  construit avec rigueur et méthode une oeuvre murale optique et géométrique. Des vidéos accompagnent l'oeuvre, illustrant aussi ses méthodes habiles de travail. Notons cet happening ludique à l'occasion de la réalisation d'un tourbillonnant "papier peint arraché".







A coup sûr, le MIMA deviendra un lieu incontournable pour les amateurs d'art contemporain et de street art... et contribuera à vitaliser un quartier en pleine transformation. Le musée est financé par des fonds privés, et à ma connaissance, il ne bénéficie pas de subsides publics. Ce qui explique sa politique tarifaire bien que l'on souhaiterait volontiers l'instauration de journées mensuelles ou hebdomadaires gratuites et pourquoi pas d'une ouverture (par une réduction tarifaire ou la gratuité) aux habitants du quartier. 

L'architecture intérieure du batiment industriel rénové est séduisante (l'accessibilité aux handicapés est assurée) et la muséographie soignée. Un bar accueille les visiteurs dans une ambiance chaleureuse. On aimerait peut être, à l'avenir, voir se développer un volet documentaire plus étoffé : la boutique se cantonne dans un marchandising classiques : petits objet, t-shirts créés par les artistes, reproductions d'art... mais laisse peut être sur le faim ceux qui chercheraient une littérature critique et réflexive (à l'instar de la remarquable librairie du Wiels par ex).

Le site web du Mima est très illustré et bien conçu... rédigé en anglais uniquement, il témoigne de la vocation internationale de ce lieu.
  


samedi 9 avril 2016

debout, la nuit pour changer le monde

Initiée en France sur fond de crise et de lutte sociale intense, le mouvement "Nuit debout" essaime dans une Belgique encore un peu secouée par les attentats du 22 mars... Pour l'heure le mouvement, ou rassemblement, se cherche encore. Il a réuni pour trois nuits consécutives - d'autres suivront - quelques centaines de citoyens (du monde), jeunes en majorité, pour occuper la place publique, réfléchir à la situation présente et refaire le monde, au moins en rêve... ces idées échangées au cours de prises de parole laborieusement organisées se transformeront-elles en actes mobilisateurs, et de la mobilisation surgiront les linéaments d'une société nouvelles, de structures socio-économiques plus justes : nul ne peut dire à présent. La première impression, d'un contact encore bien superficiel, est qu'on s'attache un peu à réinventer ce qui avait, depuis les Lumières, été imaginé et discuté. Comment définir une volonté générale émancipatrice, comment agir dans la société, comment construire une société égalitaire. Des sans-culottes aux communards, des communards au révolutionnaires russes, des révolutionnaires aux étudiants de mai-68, des révoltés 68-ards au zapatistes, des zapatistes aux altermondialistes, des altermondialistes aux indignés, des indignés aux zadistes et rebelles d'aujourd'hui... l'histoire semble se répéter, sans cesse, au prix d'un estompement des enjeux, et surtout de l'oubli de ce qui devrait être transmis de génération en génération : la lutte pour l'émancipation, pour la reconnaissance, et la transformation des rapports sociaux, un combat qui se répète sans cesse, reste une lutte à mort, menée selon les règles implacables d'une dialectique hégélienne, celle du maître et de l'esclave. En toile de fond, un slogan apparait au nom des "énervé-e-s" : "soyons sauvages". En fait de sauvagerie, le rassemblement des NuitDebout ressemble à un camp de patronage, un club de discussion aimable où, disciplinés et courtois, chacun-e-s prend en toute liberté la parole. On note certes, surtout en France, un bond qualitatif, celle d'une prise de conscience généralisée que le système socialo-libéral d'une république dévoyée n'est plus tenable et que la seule issue est celle d'une révolte généralisée des "sans", du néo-prolétariat précarisé et marginalisé, contre une république agonisante. Encore faut-il que ce qui s'exprime comme désir et projet dans ces "nuits debout" se cristallise dans une organisation et une stratégie consciemment héritière de tout ce qui a été pensé, en guise d'émancipation prolétarienne, depuis Marx.

Ici quelques photos du rassemblement sur le Mont des Arts, ce 8-9 avril, à Bruxelles...