samedi 16 avril 2016

MIMA - musée iconoclaste du 21e S

Enfin une nouvelle réjouissante. Les amateurs d'art contemporain pourront désormais visiter le Millenium Iconoclast Museum of Art dont l'inauguration a eu lieu ce vendredi 15 avril... Situé au bord du canal, sur la rive molenbeekoise, à proximité immédiate des anciennes brasseries Bellevue et de l'hôtel Meininger, ce musée offre à ses visiteurs une collection très rafraichissante d'oeuvres inspirées par la culture pop et le street art.


C'est précisément cet art populaire construit sur des interventions publiques "sauvages", du graph au street art le plus élaboré, qui est mis en valeur à travers l'exposition City Light consacré à cinq street artistes américains basés à Brooklyn. 











SWOON a choisi d'hanter les caves du lieu de ses collages soigneusement élaborés, aux thématiques issues de l'iconographie orientale ou des gravures d'art du 19e S : dentelles en rosaces, silhouettes entomomorphes, et figures semi-divines ou prophétiques, parfois issues de l'iconographie indonésienne, ou des gravures romanesques du 19e S surgissent dans la pénombre, au détour des piliers et des couloirs. Nous avons ici un bel exemple de valorisation muséale du street-art, par une installation qui en respecte l'esprit, mais dans le contexte institutionnel de reconnaissance public d'un art "sauvage" et transgressif par vocation.






FAILE, l’association artistique de Patrick McNeil et Patrick Miller, à choisi d'élever ironiquement un temple à la culture consumériste des hipsters brooklyniens. Un look "vintage" et une iconographie issue des pulps et des fanzines, ou des publicités que l'on retrouve à foison dans les galeries et restaurants branchés de Brooklyn. L'architecture de l'installation, hormis les pochoirs exposés sur le mur, rappelle celle d'un temple shintoiste qui serait dédiée à la vénération d'une colonne publicitaire - moulin à prière de la société de consommation - annonçant le pire et le meilleur du divertissement culturel.



Dans une salle illuminée par le vitrage cyan, jaune, magenta, on découvre l'installation et la fresque géométrique de Maya Hayuk. Un ode à la couleur, une expérience visuelle et picturale hors du commun. On sort vivifié par cette séance de chromothérapie.








MOMO  construit avec rigueur et méthode une oeuvre murale optique et géométrique. Des vidéos accompagnent l'oeuvre, illustrant aussi ses méthodes habiles de travail. Notons cet happening ludique à l'occasion de la réalisation d'un tourbillonnant "papier peint arraché".







A coup sûr, le MIMA deviendra un lieu incontournable pour les amateurs d'art contemporain et de street art... et contribuera à vitaliser un quartier en pleine transformation. Le musée est financé par des fonds privés, et à ma connaissance, il ne bénéficie pas de subsides publics. Ce qui explique sa politique tarifaire bien que l'on souhaiterait volontiers l'instauration de journées mensuelles ou hebdomadaires gratuites et pourquoi pas d'une ouverture (par une réduction tarifaire ou la gratuité) aux habitants du quartier. 

L'architecture intérieure du batiment industriel rénové est séduisante (l'accessibilité aux handicapés est assurée) et la muséographie soignée. Un bar accueille les visiteurs dans une ambiance chaleureuse. On aimerait peut être, à l'avenir, voir se développer un volet documentaire plus étoffé : la boutique se cantonne dans un marchandising classiques : petits objet, t-shirts créés par les artistes, reproductions d'art... mais laisse peut être sur le faim ceux qui chercheraient une littérature critique et réflexive (à l'instar de la remarquable librairie du Wiels par ex).

Le site web du Mima est très illustré et bien conçu... rédigé en anglais uniquement, il témoigne de la vocation internationale de ce lieu.
  


samedi 9 avril 2016

debout, la nuit pour changer le monde

Initiée en France sur fond de crise et de lutte sociale intense, le mouvement "Nuit debout" essaime dans une Belgique encore un peu secouée par les attentats du 22 mars... Pour l'heure le mouvement, ou rassemblement, se cherche encore. Il a réuni pour trois nuits consécutives - d'autres suivront - quelques centaines de citoyens (du monde), jeunes en majorité, pour occuper la place publique, réfléchir à la situation présente et refaire le monde, au moins en rêve... ces idées échangées au cours de prises de parole laborieusement organisées se transformeront-elles en actes mobilisateurs, et de la mobilisation surgiront les linéaments d'une société nouvelles, de structures socio-économiques plus justes : nul ne peut dire à présent. La première impression, d'un contact encore bien superficiel, est qu'on s'attache un peu à réinventer ce qui avait, depuis les Lumières, été imaginé et discuté. Comment définir une volonté générale émancipatrice, comment agir dans la société, comment construire une société égalitaire. Des sans-culottes aux communards, des communards au révolutionnaires russes, des révolutionnaires aux étudiants de mai-68, des révoltés 68-ards au zapatistes, des zapatistes aux altermondialistes, des altermondialistes aux indignés, des indignés aux zadistes et rebelles d'aujourd'hui... l'histoire semble se répéter, sans cesse, au prix d'un estompement des enjeux, et surtout de l'oubli de ce qui devrait être transmis de génération en génération : la lutte pour l'émancipation, pour la reconnaissance, et la transformation des rapports sociaux, un combat qui se répète sans cesse, reste une lutte à mort, menée selon les règles implacables d'une dialectique hégélienne, celle du maître et de l'esclave. En toile de fond, un slogan apparait au nom des "énervé-e-s" : "soyons sauvages". En fait de sauvagerie, le rassemblement des NuitDebout ressemble à un camp de patronage, un club de discussion aimable où, disciplinés et courtois, chacun-e-s prend en toute liberté la parole. On note certes, surtout en France, un bond qualitatif, celle d'une prise de conscience généralisée que le système socialo-libéral d'une république dévoyée n'est plus tenable et que la seule issue est celle d'une révolte généralisée des "sans", du néo-prolétariat précarisé et marginalisé, contre une république agonisante. Encore faut-il que ce qui s'exprime comme désir et projet dans ces "nuits debout" se cristallise dans une organisation et une stratégie consciemment héritière de tout ce qui a été pensé, en guise d'émancipation prolétarienne, depuis Marx.

Ici quelques photos du rassemblement sur le Mont des Arts, ce 8-9 avril, à Bruxelles...
 










vendredi 1 avril 2016

forbidden zone

Le long du canal, il y a quelques zones industrielles et quelques friches : édifices abandonnés qui devaient jadis servir de lieu de stockage de matériaux de construction ... les grapheurs et street artistes ont fréquenté ces lieux. Exploration indus et post-apocalyptique.




















les graphes de Ruisbroek



L'entrée et les souterrains de la gare de Ruisbroek sont ornés de beaux graphes réalisé manifestement avec l'appui, ou du moins le consentement, des autorités locales : une initiative à encourager.

















jeudi 31 mars 2016

Bruxelles centre, ce 27 mars...

barrage policier à l'entrée du bd Anspacht
Une ballade un peu agitée dans le centre-ville ce dimanche, en cause, une bande de 500 "supporters" réunis sous la bannière du "Casual Belgian supporter" ont voulu défiler vers le lieu de commémoration des victimes des attentats du 22 mars. Sans doute voulaient-ils se recueillir autour des bougies, des drapeaux multicolores et des oursons déposés face à la Bourse, mais toujours est-il qu'ils ont procédé de façon très martiale : bras et poings tendus, uniformes noir, marche cadencée ou presque, bousculades diverses et même quelques gnons échangés ci-et-là. Le public, très diversifié, les a pris pour des militants fascistes et des slogans hostiles furent scandés... les incidents étaient inévitables et il a fallu une intervention ferme et très coordonnée de la police pour éviter le pire et évacuer les "casuals" trublions. Je n'ai pas assisté à la totalité des événements dont on peut voir les vidéos sur les réseaux sociaux, des prises de vue assez nombreuses et exhaustive pour en avoir une idée exacte. Cependant quelques vues montrent une ambiance alourdie.




un geste menaçant à l'égard des badauds rassemblés sur une rue latériale
Sur la place de la Bourse, après la dispersion des "Casuals", les gens étaient calmes mais scandalisés et honteux de ce qui s'étaient passé. Ceci dit, il faut bien se rendre compte à l'évidence : les commémorations autour de la Bourse se sont déroulées jusqu'à présent dans un esprit de pacification, de deuil et de fraternité, prenant soin à rassembler les communautés diverses de Bruxelles. 

Ce qui s'exprime par la multitude des drapeaux, nationaux et communautaires, que l'on voit côte à côte. Mais cet unanimisme multiculturel reste fragile : certains ont eu un peu de mal à accepter la présence d'une bannière kurde à côté des drapeaux turcs, ou d'un emblème Amazigh (berbère) à côté du drapeau national marocain... et je n'évoque même pas la coexistence des drapeaux israélien et palestinien ! Mais les petits incidents sont sporadiques et rapidement réglés. J'ai quand même eu l'impression que chaque communauté fut présente dans un esprit d'auto-affirmation communautaire, certes dans une bonne volonté unanimiste, mais ne parvenant pas à dépasser la réalité conflictuelle d'un monde profondément divisé. 


L'irruption des Casuals a eu au moins le mérite de nous ramener à cette réalité : nos sociétés sont écartelées, fragmentées, les liens de solidarité systématiquement détruit par la concurrence généralisée et la marchandisation de tous les rapports sociaux. Dans ce contexte, la tentation des extrêmes est grande : nous n'avons pas affaire qu'à la menace "terroriste", celle de Daesh et consort, mais aussi à la menace d'un fascisme ouvert, dont de nombreux activistes durs sont infiltrés dans ces "casuals" amateur de foot et de bagarres et d'un fascisme rampant, ordinaire, qui contamine les réseaux sociaux, mais aussi les discours et les pratiques des gouvernants d'une nation réduite à l'image de nains de jardin.