mercredi 24 janvier 2018

Leopold II et Lumumba



 Qui a écrit "« Tous les Belges qui s'attachent à nos intérêts ont droit à notre reconnaissance… Nous n'avons pas le droit de saper le travail des continuateurs de l'œuvre géniale de Léopold II. »... ?
La réponse est étonnante...car il s'agit de Patrice Lumumba.





Oui, l'artisan de la décolonisation du Congo, celui qui s'adressant directement à son peuple affirma dans son discours d'indépendance, quatre ans plus tard, que "Nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c'est par la lutte qu'elle a été conquise (...) Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste" s'exprimait de la sorte dans une une lettre-circulaire adressée en 1956 aux membres de l'Association des évolués (entendez par là les Congolais ayant assimilé les normes sociales et culturelles du colonisateur) de Stanleyville.

Entre l956 et 1960, Lumumba eut le temps de se distancier de la promesse d'une évolution pacifique et lente vers une indépendance formelle mais perpétuant les rapports économiques coloniaux pour se positionner en nationaliste intransigeant et dénonçant les manœuvres sécessionnistes de Tshombe. La suite est connue, trop connue : les troubles et les émeutes, l'intervention des paras belges en soutien à Tshombe, l'indépendance du Katanga, l'irrésolution de l'ONU, la lutte désespérée de Lumumba, alors premier ministre, pour reconquérir le Katanga, la trahison du président Kasa-Vubu qui le révoque, le coup d'Etat mobutiste, la fuite et l'arrestation de Lumumba, sa tentative d'évasion puis son assassinat. 

On aura glosé et enquêté sur les circonstances de ce crime, sur le rôle des responsables katangais, et de Mobutu, mais aussi, et surtout, de fonctionnaires, commissaires et officiers, belges. 
Ces points encore discutés par les historiens ne seront peut être jamais complètement élucidés. Quoi qu'il en soit, Patrice Lumumba devient un symbole, un héraut de l'Afrique indépendante, un héros national et international, qui fut capable d'articuler l'indépendance et la lutte plus globale contre l'impérialisme.

Aujourd'hui encore, la Belgique hésite à affronter avec lucidité son passé colonial... L'idée d'une place publique au nom du leader congolais effarouche encore les édiles ixellois. Aussi l'association Bamko, le Comité féminin et afrodescendant pour l'interculturalité et contre le racisme, a pris l'initiative d'inaugurer une "place itinérante" au nom de Patrice Lumumba, et de faire ériger une statue, réalisée par Rhode Makoumbou, le représentant, prononçant son fameux discours du 30 juin 1960.  

L'évènement eut lieu aux galeries Ravenstein, et rassembla une bonne centaine de sympathisants, des Congolais et d'autres Africains, mais aussi des Belges et autres européens... Il fut l'occasion, outre de rappeler notre responsabilité historique, de souligner l'importance d'une décolonisation des esprits et le rôle primordial de l'art dans une transformation des mentalités.

 





Rhode Makoumbou, née à Brazzaville, a créé de nombreuses sculptures en matière composée (sciure et colle à bois sur une structure métallique. "S'inspirant de la vie quotidienne des femmes africaines, elle se considère un peu comme une artiste archiviste de la mémoire sociale et culturelle de l’Afrique en général, et du Congo en particulier. Elle s’exprime souvent dans ses interviews sur le respect des notions idéologiques de l’identité et de la diversité culturelle. Elle a toujours accordé une grande importance à la question du sens dans l’art et du rapport entre l’artiste et son public. C'est la première fois qu'elle représente un personnage historique. " (http://www.rhodemakoumbou.eu/fr/biographie)








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